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«EN AFRIQUE UN VIEILLARD QUI MEURT EST UNE BIBLIOTHÈQUE QUI BRÛLE»
Ahmadou   HAMPATHE   BA

 

Comment nommer celui qui avait réussi à rétablir la parole africaine dans ses droits ?
Né à l'aube du 20è siècle, mort à l'orée du troisième millénaire, Ahmadou HAMPATHE BA, Africain plus que Malien aura marqué son époque.
Lorsqu 'on parle d 'Ahmadou HAMPATHE BA l'on pense d’abord à une citation célèbre qui a fait le tour du monde. « Chaque fois qu’un vieillard meurt en AFRIQUE, c’est une bibliothèque qui brûle ». Il n' y a pas plus bel hommage à la tradition orale. Cette phrase n’a pas été couchée dans un livre, elle est sortie spontanément de la bouche d 'Ahmadou  HAMPATHE BA, au cours d'une assemblée générale de l’UNESCO à PARIS. Voici son histoire.

 

Nous sommes au début des années soixante. Les anciennes colonies belges, britanniques et françaises accèdent à la souveraineté internationale. Reconnus par les autres pays du monde, les jeunes Etats africains deviennent membres de l'Organisation des Nations Unies. Les portes de toutes les organisations du système international leurs sont également ouvertes. C’est le cas de l'UNESCO.


Tout le monde se donne rendez- vous à PARIS pour les travaux de l'assemblée Générale. Pour beaucoup de délégués, c’est la première participation à une telle réunion. Très vite les séances de travail se transforment en un duel entre le camp africain et le bloc euro-américain. Les représentants presque à l'unanimité s'en prennent au colonialisme passé et au néocolonialisme à venir. Les mots sont durs, violents pour dénoncer l’impérialisme. Dans le camp des Américains et Européens c'est l'indignation, la colère, l'exaspération. Les esprits sont surchauffés, il faut laver cet affront, et le représentant des Etats-Unis, le sénateur BENTON s'en charge. Il monte à la tribune et met les points sur les « i ».


« Messieurs, les Etats-Unis n'ont colonisé personne. Si nous sommes à l'UNESCO et que nous y apportons une contribution importante, c'est une preuve de notre bonne volonté. Nous ne sommes pas obligés de le faire, car nous n’avons peur de personne. Je tiens à vous rappeler que nous ne sommes pas à l'UNESCO pour nous faire insulter par des ignorants, des ingrats, des analphabètes de votre espèce. »


Le discours du sénateur BENTON est accueilli par des huées. René MAEU, Directeur Général de l'UNESCO, craignant une rupture entre les deux camps s'adresse alors à HAMPATHE BA. «Faites quelque chose.», lui dit-il, «Essayez de calmer les esprits, en intervenant à la manière africaine.». «Mais que puis-je faire ?», demande HAMPATHE BA. «vous savez que je ne représente que le Mali. Tous les délégués vont-ils me laisser parler en leurs noms ? ». Les discussions s'engagent. Malgré l'hésitation des Anglophones, HAMPATHE BA a l’autorisation de parler au nom des Africains. Sans notes, il gagne la tribune pour répondre à l'Américain.


«Messieurs celui qui est devant vous n 'est pas un universitaire, il n'a pour tout titre qu'un certificat d'étude primaire indigène. Je vais vous parler en tant qu'Africain. Le sénateur BENTON est monté à cette tribune. Honorable sénateur, vous n'avez pas compris la jeunesse africaine. Les jeunes sont montés, ils ont chahuté, dit des méchancetés, dépassé les bornes, vous les avez traités d'ingrats et d'analphabètes. Je concède que nous sommes des analphabètes, mais je ne vous concède pas que nous soyions des ignorants. Vous confondez à ce que je vois, l'écriture et le savoir. Pour nous, l'écriture est une photographie du savoir.
L'Ecriture que vous apprenez c’est la science d'un autre, elle n'est pas intuitive, c'est comme un puit qui reçoit ses eaux du dehors. Apprenez honorable sénateur, que dans mon pays chaque fois qu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui a brûlé ».

Source: "DESTINEES" RFI PLUS AFRIQUE, mars - avril 1993
REPRODUCTION :   KOM  K. Bernard, Mathématicien - Chercheur Indépendant à MBANGA, pour le PRIX DIAMBAR 2000.

 

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