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BIOGRAPHIE DE CHEIKH  ANTA  DIOP

LE  SAVANT  CHERCHEUR  AFRICAIN

 

 

 

C'est dans le BAULE, berceau du Mouridisme que  CHEIKH ANTA DOP est né. Petit fils de marabout, c'est par l'école coranique qu'il commence sa formation. Ensuite, il va à l'école française. Après son certificat d'étude, il se retrouve à DAKAR au lycée VAN VOLLEN OVEN,  où il a des ennuis avec son professeur de français.

 

Selon CHEIKH ANTA DIOP lui même, le goût de la recherche lui est venu très tôt à l'époque de ses études au lycée VAN VOLLEN OVEN.  Dans une interview  à la revue africaine La vie africaine, de mars – avril 1960, il dit notamment, "j'ai repensé le problème culturel africain dans son ensemble, parce que j'en ai senti la nécessité. Cette  nécessité,  je l'ai  sentie au contact de mes autres camarades africains,  culturellement plus appauvris, durant ma culture secondaire. C'est peut être  pour cela que dans le domaine des sciences humaines, mes recherches datent  de la classe de

3 ème du lycée VAN VOLLEN OVEN à DAKAR. Elles étaient enfantines  je l'avoue. Je commençais à m'interroger sur l'étymologie de certains mots Wolof, et à me  demander si nous ne pouvions pas avoir une écriture autonome. Je fini par créer à l'époque un alphabet avec des caractères spéciaux"

 

Il est vrai que le lycéen ne va pas tarder à renoncer à ses trouvailles. Ses difficultés avec le professeur de français continuant, CHEIKH ANTA DIOP ira poursuivre ses études  au Lycée FAIDHERBE de St-Louis. Mais c'est à DAKAR qu'il finira son cycle secondaire en obtenant en 1945 l'équivalent du baccalauréat, série Mathématiques et philosophie.

 

CHEIKH  ANTA DIOP est maintenant aux portes de l'université. Il n'y a pas encore d'Université au SENEGAL, ni en Afrique occidentale. Comme tous ses camarades qui l'ont précédé sur la route du savoir, le jeune DIOP n'a qu'une possibilité, gagner la métropole. Ce n'est pas non plus facile. Faute de fortune familiale, il faut compter sur une hypothétique  bourse d'étude. Pour CHEIKH ANTA DIOP  commence alors de longs mois d'une attente fébrile, l'attente dont dépend  tout son avenir. Mais en 1946, il peut pousser un ouf de soulagement. La mairie de DAKAR vient en effet de lui octroyer une bourse d'étude.

 

A l'automne, le jeune sénégalais, débarque  à PARIS, objectif ; entreprendre des études de physique, auxquelles il ajoute celles de sciences humaines.  Il s'inscrit  donc à  l'Université de PARIS. Le  PARIS que CHEIKH ANTA DIOP découvre est devenu depuis les années trente, une grande   tribune   depuis laquelle s'expriment les intellectuels, les artistes, les étudiants Noirs, qu'ils soient Antillais, Guyanais, Africains ou même Américains. Ils crient haut et fort leur humanité longtemps niée  et bafouée. A la face du colonisateur, ils brandissent leur Négritude pour affirmer leur existence. C'est dans la foulée en 1947 que sont crées les éditions " Présence africaine", fer de lance de ce combat.

 

C'est tout naturellement que CHEIKH ANTA DIOP dont la résurrection du passé de l'Afrique est une préoccupation, se rapproche du mouvement  de la Négritude. Mais  en même temps il garde ses distances. A  l'exaltation et au lyrisme des poètes, il oppose une autre voie, celle de la science.  Ce qui  l'intéresse. , ce n'est  pas de clamer, c'est plutôt  de chercher, trouver, analyser, démontrer, prouver et convaincre. Convaincre  avant de crier victoire. Suivant  les conseils des professeurs comme  Gaston BACHELARD, CHEIKH ANTA DIOP complète sa formation dans les bibliothèques. Il accumule ainsi un savoir que plus tard certains qualifieront d'encyclopédique.

Mais la science n'est plus  l'unique préoccupation de CHEIKH ANTA DIOP.  Séduit par le marxisme, il est persuadé que l'Afrique est dans une situation de domination coloniale dont la seule issue reste l'indépendance. Il sera donc parmi les tous premiers militants de l'indépendance des  pays africains.

 

Secrétaire  Général des étudiants du R.D.A (Rassemblement Démocratique Africain), il milite contre l'union française. Sa thèse sur l'origine  noire de la civilisation égyptienne  est refusée à la SORBONNE. Alors, il en prépare une autre qu'il va soutenir en 1966 avant de décider de rentrer au Sénégal.

 

On peut croire que l'homme qui vient de rentrer dans son pays après avoir osé dire au maître d'hier que l'homme Noir a aussi un passé, on peut croire qu'il sera traité en héros. On peut penser que les portes de l'Université lui seront largement ouvertes pour qu'il forme des disciples, qu'il diffuse son savoir et ses idées.

 

Les choses  se passeront autrement, tout à fait autrement. Après l'échec de l'éphémère fédération du Mali entre le Sénégal et le Soudan, LEOPOLD SEDAR SENGHOR devient président de la République du Sénégal. Or, SENGHOR est et sera toujours l'ennemi intime de DIOP. Cela surprend dans la mesure où lorsque l'on regarde leur combat de près, ils se battent pour la même cause ; la réhabilitation de l'homme Noir. Pourtant, des divergences profondes les séparent. Pour CHEIKH ANTA DIOP, SENGHOR, n'est qu'un pur produit du colonialisme, un instrument du néocolonialisme.

 

Quand  DIOP  rentre au Sénégal, il est traité comme un  pestiféré. Soit on trouve ses idées dangereuses, soit on met en doute ses compétences.  En  tout  cas,  DIOP  est quasiment  interdit d'enseignement. Il est réduit à un rôle de chercheur à l'IFAN,  Institut Fondamental d'Afrique Noire de l'université de DAKAR. Son  garde,  Assistant. CHEIKH ANTA DIOP accepte stoïquement son sort et dans les conditions très précaires, il poursuit ses travaux. Il met aussi en avant son côté militant politique. Cela se traduit concrètement par la création en 1960 du "bloc des masses Sénégalaises", un parti d'opposition en violation de la constitution. SENGHOR interdit donc le parti. Les critiques virulentes de DIOP contre le poète président n'arrangent évidemment pas les choses. Cela lui coûte en 1962, un mois d'emprisonnement. C'est une manœuvre dont le but est certainement de l'écarter de la vie politique. Mais obstiné, CHEIKH ANTA DIOP récidive  peu de temps  après en créant  le "Front National Sénégalais" qui  à son tour est dissout. Suit une longue période durant laquelle le chercheur donne l'impression de ne plus  s'intéresser  activement à la politique, mais rompt  le silence en 1976 et fonde le RND, Rassemblement National Démocratique. Une fois de plus, SENGHOR donne au RND l'ordre de se dissoudre, parce qu'il n'entre  dans aucun des trois courants  politiques autorisés. DIOP  introduit alors un recours à la cours suprême,  un recours qui est rejeté. Placé dans  une position délicate, DIOP choisit  le combat au lieu de la clandestinité ou la dissolution. Les activités de son parti s'exercent donc au grand jour, et sa préférence va selon ses discours, aux masses populaires, paysans maraîchers, cultivateurs.

 

Après le départ de SENGHOR du pouvoir, la situation de CHEIKH ANTA DIOP s'améliore dans une certaine mesure. Le nouveau président ABDOU DIOUF légalise son parti en juin 1981. C'est aussi la même année où  il se voit reconnaître pour la première fois  le titre de professeur d'Université. Il peut donc maintenant suspendre à ses lèvres des heures durant les étudiants de l'Université de DAKAR,  comme il a su le faire partout où il est allé imposer  sa thèse. Cette reconnaissance tardive de son pays, du moins au niveau du pouvoir, ne l'a pas empêché de jouir d'une grande renommée dans la plupart des pays africains. Une renommée qui a franchi l'atlantique pour atteindre la communauté des intellectuels Noirs des Etats-Unis d'Amérique. Pour tous, CHEIKH ANTA DIOP est un éveilleur de conscience.

 

"L'existence d'une égyptologie africaine seule permettra grâce à la connaissance qu'elle confère, de dépasser pour de bon les théories frustrantes et dissolvantes des historiens  obscurantistes ou agnostiques, qui à défaut d'une information solide puisée à la source, cherchent à sauver la face en procédant à un hypothétique dosage d'influences  comme s'ils partageaient une pomme. Seul l'enracinement d'une pareille discipline en Afrique Noire amènera à saisir un jour la nouveauté  et la richesse de la conscience culturelle que nous voulons susciter. Sa qualité, son ampleur, sa profondeur, sa puissance créatrice" CHEIKH ANTA DIOP, Civilisation ou barbarie, Editions " présence Africaine",.

 

Pour en revenir à la carrière politique de CHEIKH ANTA DIOP, on note un nombre de faits.

 

Premier fait : La fidélité à ses convictions. Cela se traduit par le refus de devenir membre du gouvernement sénégalais, malgré des propositions répétées de Léopold SEDAR SENGHOR qui aspirait ainsi à le récupérer.

 

Deuxième  fait : Son élection comme député aux législatives de février 1983, son parti n'ayant obtenu que 2,62%   des suffrages, et  se faisant, il refuse d'entrer  à la l'assemblée nationale, pour protester contre les fraudes électorales. La course  au pouvoir ne l'intéresse pas. Aux tourments de la politique, il préfère le calme de son laboratoire de l'IFAN, où il a expérimenté  la datation d'échantillons  archéologiques par la méthode du radio carbone. Ce sont les méthodes utilisés dans ce laboratoire dont les demandes d'analyses provenaient du monde entier, qu'il expose dans l'un de ses ouvrages, physique nucléaire et datation absolue, paru en 1974.

 

Dans sa  volonté … à l'Afrique, CHEIKH ANTA DIOP a réfléchi à une nouvelle forme d'organisation des  états africains en dehors de l'histoire, de l'anthropologie, de la linguistique ou de la sociologie. Partisan d'un Etat Fédéral africain, il est convaincu de la possibilité de réaliser l'unité du continent. Mais cette nation africaine doit d'abord répondre aux exigences d'une technique moderne, seule garantie pour la réussite.

 

Les travaux de CHEIKH ANTA DIOP ont marqué plusieurs générations d'Africains. C'est pour cette raison qu'en 1966, à l'occasion  du premier festival des arts nègres de DAKAR, cette influence est reconnue solennellement. On le présente avec  William DUBOIS comme l'intellectuel Noir qui a exercé sur le 20e siècle l'influence la plus féconde.

 

Le respect de l'Afrique ne suffira pas pour amener les occidentaux à accepter les travaux de CHEIKH ANTA DIOP. Certains iront jusqu'à affirmer que ses thèses ont jeté du discrédit sur la recherche africaine. La question est de savoir … convaincre. D'un côté, il faut reconnaître que  beaucoup de  chercheurs africains, malgré les louanges et l'admiration pour le précurseur, n'ont pas   cherché à faire de  l'égyptologie  un chemin de prédilection. On peut compter quelques noms comme celui du congolais Théophile OBENGA, son disciple le plus connu. Après, après, le désert. Pourtant dans son dernier livre civilisation ou barbarie,  CHEIKH ANTA DIOP dit " l'Africain qui nous a compris est  celui qui après lecture de nos ouvrages, aura senti naître en lui un autre  homme, animé d'une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée : porteur d'une nouvelle civilisation.."

 

Le célèbre historien meurt en 1986, foudroyé par une crise  cardiaque. Depuis, l'Université de DAKAR porte son nom.

 

NDLR : CHEIKH ANTA DIOP fut également étudiant bien apprécié des CURIE (prix Nobel de physique-Chimie en 1935).

 

Biographie écrite par TITANGUELOU BABOU,

Diffusé par R.F.I PLUS AFRIQUE dans Destinés,

Courant janvier – février 1994

Reproduite ici (sans copyright, je m'en excuse) par KOM Bernard

Enseignant de Maths – Informatique et chercheur à MBANGA.

          

 

 

 

 

 


 

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